Ode - Le peuple Métis- Canadien- Français.
J’aime sans mesure et j’admire
Les Métis- Canadien- Français :
Ce peuple nouveau, qui se mire
Déjà dans de brillants succès.
Il a fait connaitre sa gloire
Aux indiens du Minnesota.
Il a toujours gagné victoire
Sur les tribus du Dakota.
Les montagnes et les prairies
Du Nord- Ouest ont mille fois
Incliné leurs herbes fleuries
Au souvenir de ses exploits.
Les jolis chemins de charrettes
Nombreuse autour de Régina
Montrent les routes qu’il a faites
Jusqu’au loin dans le Montana.
Sa demeure humble, hospitalière
A sauvé beaucoup d’étrangers.
Et sa haute valeur guerrière
A reculé bien des dangers.
Ce peuple est néanmoins paisible.
Mais les sangs qu’il a sont guerriers.
Bien conduit il devient terrible.
Il lui faut alors des lauriers.
Le Manitoba si précoce
Est grand, parce qu’il l’a fondé
Sous le beau frein du Sacerdoce
Qui l’a toujours si bien guidé,
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Le Métis comprend que l’église
Est Reine à la tête de tout;
Que du ciel étant la commise
Ses œuvres seules restent debout.
Le Métis est le porte- enseigne
D’un droit qu’on a désétabli;
Du droit naturel qu’on dédaigne
Et qu’on met partout en oubli.
Le droit naturel est l’essence
Du bon sens des transactions.
Principe de toute alliance
Il en a les fondations.
Métis! Aimons bien la droiture.
Tenons-nous-y résolument.
Montrons le droit dans sa nature
Sans art, sans détour, simplement.
Et nous ferons un bien immense
À toute la société
Qui là-dessus tombe en démence.
Le droit seul rend la liberté.
Vivons à la façon normale
De l’homme à l’état primitif.
Plus d’une vertu sociale
Règne en nous au superlatif
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Fuyons les idées arrogantes.
Soyons le peuple tout ainsi
Fuyons les mœurs extravagantes,
Montrons que nous sommes d’ici.
Nous vendons, il est vrai, nos terres.
Assurément cela nous nuit.
Mais les principes salutaires
Que nous avons, porteront fruit
Nos bons principes nous font vivre
En dépit de nos assassins.
Le bon droit que nous savons suivre
Vaincra tous les mauvais desseins
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Si le trait d’union se place
Entre Métis et Canadien;
Assuré, l’une et l’autre race
N’en sera que plus apte au bien.
Car je trouve que l’une abonde
En vertus que l’autre n’a pas.
Tandis qu’autrement la seconde
A sur la première le pas.
Le canadien français possède
La connaissance du pouvoir.
C’est la cause du bien qu’il plaide.
Il vise à ce qu’il peut avoir.
Durant sa longue expérience
Sous le beau sceptre anglo-saxon.
Il étudie en conscience
Plus d’une savante leçon.
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Il sait fort bien que la Puissance
Ne cherche qu’à l’anéantir.
Il combat avec réticence
Juste assez pour se garantir.
Les canadiens français sont fermes.
Il faut qu’ils soient d’un beau moral
Pour ainsi lutter de bons termes
Avec l’anglais en général.
Il faut qu’ils soient bons diplomates
Ces apprivoiseurs d’Albion
Qui savent enchainer les pattes
De l’Unicorne et du Lion
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Métis, la grande indifférence
Que nous tenons du sang indien
Se rendant jusques à l’outrance;
Et tout de même, Canadien
À force d’user de finesse
Vis-à-vis de nos ennemis,
Nous voilà pris d’une faiblesse.
Nous faisons trop de compromis.
Pour nous rendre plus énergiques
Dieu nous fait venir d’outre-mer
Le meilleur de tous les toniques.
Cordial qui n’a rien d’amer,
L’Esprit français qui nous stimule
Est notre grand fortifiant.
Écoutons-le quand il formule
Nos droits en les simplifiant.
Soyons fiers quand il les proclame,
En se jouant, sur tous les tons;
Et qu’il les discute avec âme
En termes que nous adoptons.
Le français de la France ancienne
Aime à fond le droit positif.
Sa langue lucide et chrétienne
N’en parle qu’à l’impératif.
Le bon français est plein de zèle.
Gardien généreux et vaillant
Des droits de la Ville Éternelle,
Ne faut-il pas qu’il soit bouillant?
Dieu lui permet plus de hardiesse
Peut-être qu’aux autres mortels.
Il est né pour emporter pièce,
Pour tenir debout les autels.
Le bon français a de l’empire
Jusque dans ses moindres discours.
Il tend sans cesse à reconstruire
Sa franchise est d’un grand secours.
La politesse enchanteresse
Encourage partout les bous.
Elle tranquillise et redresse
Un peu même les furibonds.
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Dotons notre langue française
De mots étrangers qui soient beaux;
Afui que plus riche elle plaise
Plus eu ces parages nouveaux.
Empruntons aux langues sauvages
Un certain choix d’expressions;
Quelques-unes de leurs images,
Quelques belles locutions.
Ces nouveautés rendront plus forte
La langue de nos chers aïeux.
Embellissons-la de la sorte
Suivant le gout de notre mieux.
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Métis et Canadiens ensemble
Français, si nos trois éléments
L’amalgament brui, il me semble
Que nous serons un jour plus grands.
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Les trois feuilles du trèffle peuvent
Exister sur le même pied.
Toutes les trois, jolies, se meuvent
À l’unisson, comme il leur sied.
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Le clergé qui nous édifie
Nous unira bien sûrement,
Comme le trèffle identifie
Ses trois fleurs admirablement.
Son grand cœur prend beaucoup de peine
À consolider, je le sais,
La nation manitobaine
Des Métis-Canadiens-Français.
Louis Riel.
Cite Article : www.canadahistory.com/sections/documents